La forêt de Fontainebleau, muse des peintres
Au 19ème siècle, la forêt de Fontainebleau, est l’objet d’un profond engouement de la part de centaines de peintres. Entre 1800 et 1900, plus de 1500 tableaux à sujet bellifontain sont présentés au Salon des Beaux Arts (900 signatures).
D’autres œuvres, tout aussi nombreuses, représentant la forêt de Fontainebleau, ne sont pas comptabilisées ici car leur titre ne l’évoque pas précisément. On peut pourtant y reconnaitre ses aspects si caractéristiques. Il en va de même pour les scènes historiques ou mythologiques dont le décor seulement appartient à ce site.
Etonnamment, l’histoire de ces peintres a été un peu oubliée, effacée derrière les tableaux, certes plus lumineux des impressionnistes, à qui ils ont pourtant ouvert la voie du paysagisme et du réalisme. Il serait injuste de les réduire à de simples précurseurs car ils présentaient aussi un intérêt pour eux-mêmes, entre autres, pour le lien profond qu’ils entretenaient avec la forêt. Les impressionnistes à la fin du 19ème s. vont au contraire la délaisser, s’intéressant d’avantage à la lumière et aux couleurs de la nature qu’à ce qu’elle peut évoquer à l’homme.
C’est dans cet atelier « grandeur nature » que ces artistes pionniers du début du 19ème siècle réussiront à révolutionner le monde de l’art sans prétention, en partageant simplement et amicalement leur passion pour la peinture et la forêt.
On peut s’interroger sur les raisons de cet attrait et se demander pourquoi celle de Fontainebleau fut élue parmi tant d’autres.
Le contexte historique
Pour comprendre la démarche des peintres, il est important d’essayer de restituer ces hommes dans leur contexte historique.
Après 1’exil de Napoléon Bonaparte, trois rois se succèdent. Louis XVIII est un monarque modéré mais sous Charles X (ultra royaliste) le peuple souffre et se révolte en 1830.
Louis-Philippe devient « roi du peuple français ». A partir de son règne, l’industrie se développe ; la bourgeoisie fait fortune mais le peuple est exploité. Les romans de Zola témoignent de cette misère. Le peintre Honoré Daumier, caricaturiste et habitué de Barbizon paiera son insolence de 6 mois de prison pour avoir représenté Louis-Philippe en Gargantua dans le journal Le Charivari.
Une autre révolution éclate en février 1848. Louis-Philippe abdique. La Seconde République est proclamée. Mais la France subit les contrecoups de la crise européenne, ce qui entraine faillites, chômage. A la fermeture des ateliers nationaux, des centaines de barricades sont dressées dans Paris en juin 1848 par 50 000 insurgés. En décembre, le président de la République Louis-Napoléon Bonaparte, se maintien au pouvoir par un coup d’Etat (2 décembre 1851), suivi de la répression des opposants (30 000 arrestations, l 000 morts). Il se fait proclamer empereur l’année suivante sous le nom de Napoléon III.Une autre révolution éclate en février 1848. Louis-Philippe abdique. La Seconde République est proclamée. Mais la France subit les contrecoups de la crise européenne, ce qui entraine faillites, chômage. A la fermeture des ateliers nationaux, des centaines de barricades sont dressées dans Paris en juin 1848 par 50 000 insurgés. En décembre, le président de la République Louis-Napoléon Bonaparte, se maintien au pouvoir par un coup d’Etat (2 décembre 1851), suivi de la répression des opposants (30 000 arrestations, l 000 morts). Il se fait proclamer empereur l’année suivante sous le nom de Napoléon III.Une autre révolution éclate en février 1848. Louis-Philippe abdique. La Seconde République est proclamée. Mais la France subit les contrecoups de la crise européenne, ce qui entraine faillites, chômage. A la fermeture des ateliers nationaux, des centaines de barricades sont dressées dans Paris en juin 1848 par 50 000 insurgés.
En décembre, le président de la République Louis-Napoléon Bonaparte, se maintien au pouvoir par un coup d’Etat (2 décembre 1851), suivi de la répression des opposants (30 000 arrestations, l 000 morts). Il se fait proclamer empereur l’année suivante sous le nom de Napoléon III.
En l849, c’est le choléra qui s’abat sur les parisiens. Les peintres Millet et Jacque fuient à Barbizon pour en protéger leurs enfants. Jacque écrit : ” C’était dans le fort du choléra de 1849. Nous fûmes tellement impressionnés par les files de corbillards qui encombraient les rues et les cercueils garnissant les portes des maisons (les cercueils d’enfants surtout) que l’idée nous vint de fuir Paris. “
En 1870, Napoléon III déclare la guerre aux Prussiens. La défaite de Sedan laissera derrière elle 20 000 tués ou blessés. Le peintre Bazille qui séjourna avec Monet aux environs de notre forêt et le fils du peintre Diaz (l’un des trois piliers de Barbizon) y perdront la vie. Paris, assiégé et bombardé, connaitra encore une répression de la Commune (1871). Le peintre Courbet qui fréquenta la forêt de Fontainebleau, sera emprisonné, accusé d’avoir contribué au démantèlement de la colonne Vendôme (symbole des victoires napoléoniennes) et devra s’exiler.
Ce contexte politique, économique et social suscite le besoin de s’évader de la ville (où les loyers sont de surcroit devenus trop chers), d’aller se ressourcer dans un endroit calme, 1oin de cette société matérialiste et de ses combats sanglants. Que rêver de mieux que la forêt primordiale pour s’ensauvager ?
Les peintres en forêt
La nature va transporter écrivains et peintres à travers un grand mouvement romantique.
Chateaubriand écrit : ” Forêt silencieuse, aimable solitude. Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré. Oh que ne puis-je heureux passer ma vie entière, ici loin des humains ! Tout parle, tout me plait sous ces voûtes tranquilles… “
Dès 1821, Paul Huet peint sur le motif en forêt de Fontainebleau : ” L’âme moderne, effrayée, haletante pleine de doutes devait chercher au milieu de toutes ses luttes, un refuge dans la Nature ; elle avait besoin de se retremper devant le spectacle de sa munificence, de se calmer dans le silence de son immensité… La Nature, notre mère féconde et réparatrice nous ouvre son sein aux jours désespérés et retrempe notre courage et nos forces dans une source toujours pure, toujours nouvelle de vérité, de calme et d’infini ; à sa vue, nous nous sentons meilleurs. “
La forêt ne se serait pas prêtée à ce recueillement avant le 18ème siècle. Réservée exclusivement au plaisir du roi, elle était animée à longueur de journée par le bruit et l’agitation des chasses à courre. Après la révolution, ces dernières se raréfieront et la forêt retrouvera son calme originel.
On pouvait aussi se perdre ou se faire attaquer dans ce dédale non balisé de rochers. A part quelques individus isolés comme Garondel (ermite à Franchard au 12ème siècle, assassiné par des brigands), Lantara (jeune berger au 18ème s. devenu un artiste reconnu) ou Bruandet (qui vint au 19ème y faire résilience après avoir assassiné sa femme ), les seuls peintres qui fréquentaient la forêt étaient à la solde du roi pour le représenter dans ses exploits cynégétiques et non pas pour s’inspirer de la Nature car a cette époque ,elle n’était pas jugée digne d’intérêt. Néanmoins un certain J.F. Hue commence à prendre quelques libertés en mettant en valeur de beaux arbres dans le décor de ses scènes de chasse.
Jusqu’au début du 19ème siècle, il est en effet inconcevable de présenter au Salon une œuvre représentant la Nature pour elle-même. La présence de personnages y est indispensable (héros de scènes historiques ou mythologiques). La Nature, toujours en arrière plan y est idéalisée et n’y suscite aucune émotion. L’Académie des beaux arts de l’époque impose ces sujets classiques et les techniques des anciens maîtres. Aucune créativité, aucune innovation n’est possible sous peine d’être refusé au Salon (seul moyen d’exposer à l’époque) et d’être plongé dans la misère. Nos peintres subissant cette dictature aspirent à un espace de liberté, à expérimenter de nouvelles techniques, à choisir eux-mêmes leur sujet et en particulier, celui de la Nature suivant l’exemple des anglais et des hollandais qu’ils admirent tant. Ils paieront le prix fort de cette résistance, surtout Théodore Rousseau surnommé ” le grand refusé “, alors qu’il était parallèlement reconnu comme chef de file par la jeune génération de peintres paysagistes. Fontainebleau est l’une des forêts les plus proches des ateliers parisiens dans lesquels ils étouffent. Ils vont s’y installer peu à peu en y formant de petites colonies entre camarades autour de la forêt. D’abord à Chailly-en-Bière à l’auberge du Cheval blanc (relais de poste à cheval) ou à celle du Lion d’or, puis à Barbizon, chez l’habitant ou à l’auberge du père Ganne dont-ils décoreront murs et mobilier les jours de pluie.
Quand Barbizon deviendra trop fréquenté, certains préfèreront le calme de Marlotte chez la mère Anthony ou séjourneront en ville à Fontainebleau ou encore à Moret et Grez-sur-Loing. D’autres forêts, proches de Paris, comme celle de Compiègne pouvaient leur offrir cet isolement propice à la création. On peut alors se demander pourquoi celle de Fontainebleau fut de loin la plus investie ?
Un peintre de tradition pourtant classique va contribuer à modifier le cours de l’histoire. Pierre Henry de Valenciennes (1750-1819) peint déjà des études sur le motif en forêt de Fontainebleau qu’il ne destine surtout pas à être exposées mais à constituer des éléments de recomposition pour les décors de ses scènes historiques ou mythologiques. Attaché à la forêt, il souhaite donner néanmoins davantage d’importance à la nature et crée en 1817 pour le grand prix de Rome, le concours de peinture de paysage historique. Le lauréat gagnait un voyage en Italie sur les traces des grands maîtres de la Renaissance financé par le roi. Une des épreuves consistait à exécuter de mémoire un arbre dont l’essence n’était révélée qu’au dernier moment ce qui supposait une très bonne connaissance de nombreuses essences et d’avoir beaucoup étudié dans la nature. Déjà à cette époque, la forêt de Fontainebleau offre une variété d’essences beaucoup plus importante que les autres forêts. Pierre Henry de Valenciennes y entrainera ses élèves qui en entraineront d’autres à leur tour et tomberont sous le charme du lieu .De magnifiques chênes multi centenaires y ont été préservés par les rois qui appréciaient de les voir au cours des chasses .Ils évoquent le passé et sont un décor idéal pour les sujets historiques. Sables et rochers (à une époque où peu de personnes ont les moyens de voyager) transportent cette jeunesse vers des destinations lointaines, lui laissant imaginer l’Italie, la Suisse, le désert d’Algérie ou au contraire une mer verte… Leurs études exécutées sur de petits cartons seront facilement échangées ou revendues et feront grande publicité à Fontainebleau.
Jules-Louis-Philippe Coignet
Constant Dutilleux, Les Gorges d’Apremont
Les peintres sur le motif en forêt de Fontainebleau
Ce travail en plein air sera facilité par l’invention des tubes de peinture (vessies de porc en 1824 puis en zinc en 1850) et des chevalets pliants.
C’est ainsi qu’après Pierre Henry de Valenciennes suivront les peintres dits ” néoclassiques ” comme Michalon, Coignet, Caruelle d’Aligny, Corot….
De plus, ils rechercheront plutôt les perspectives de rochers dont la luminosité leur rappelle celle de l’Italie (pays référence de l’époque classique). Les titres de leurs tableaux ” entrée ou lisière de forêt “, ” clairières “, ” hauteur de “, ” vue de “, indiquent qu’ils travaillent aux abords de la forêt ou sur des espaces dégagés.
Entre 1834 et 1886, 29 tableaux présentés au Salon représentent ” les hauteurs de la Sole “, entre 1836 et 189, 80 ” le Mont Ussy “. A partir de 1850, le choix des sites change. C’est le cœur de la forêt qui attire les peintres pour deux raisons : ils craignent moins de s’y perdre et ils recherchent l’isolement pour être en communion avec la Nature.
Les sentiers créés par Denecourt dès 1842 et balisés vers 1847 permettent de s’aventurer davantage. Les peintres qui découvriront la forêt grâce à Denecourt et à son guide ” à l’intention des artistes ” lui en seront reconnaissants (même s’ils ne le suivent pas toujours, trouvant certains sites trop aménagés). Ainsi ils visiteront le Mont Ussy, les hauteurs de la Solle, le mont Chauvet, le mont Girard, les gorges d’Apremont (45 tableaux entre 1834 et 1893), le Bas-Bréau (46 tableaux entre 1835 et 1894), le gros Fouteau, la Tillaie, la gorge aux Loups (52 tableaux entre 1835 et 1893).
Ils dédaigneront les gorges du Houx, les rochers Bouligny, de la Salamandre, de la Behoudière, des Demoiselles, ainsi que le circuit des Fontaines. Ils s’improviseront d’autres sites comme le Jean de Paris, le carrefour de l’Epine et le plateau de Bellecroix, puis les sables d’Arbonne.
Les peintres arrivés avant Denecourt, qui avaient apprécié le calme et l’isolement, lui reprocheront d’avoir ” prostitué ” la forêt en y amenant trop de touristes. Ils s’amuseront à modifier ses balises pour perdre les indésirables.
Trains de plaisir à Fontainebleau, Le Journal amusant, 1875
La ligne de chemin de fer atteignant Melun en 1849 et ses ” trains de plaisir ” accentueront ce phénomène.
La forêt représentée par les peintres
Entre 1835 et 1893, 52 tableaux présentés au Salon représenteront ” la gorge aux loups ” ; entre 1851 et 1899, 46 tableaux, ” la mare aux fées ” ; entre 1847 et 1884, 17 tableaux ” les gorges de Franchard ” ; entre 1834 et 1893, 45 tableaux ” les gorges d’Apremont ” ; entre 1835 et 1894, 46 tableaux le Bas Bréau.
De plus, la nouvelle génération de peintres romantiques recherche plutôt le silence et la solitude des profondeurs de la forêt pour y être en communion avec la Nature.
Ecrivains et poètes personnalisent les arbres: ” Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme ” (Victor Hugo). Les peintres attribuent aux plus remarquables des noms évocateurs comme le ” Rageur ” ou l’identité de l’un de leurs confrères comme le ” Bodmer “.
Ils vont faire du paysage un ” état d’âme ” comme nous l’explique Rosenthal : ” Nerveux et lyriques, poètes toujours penchés sur eux-mêmes, analystes aigus de leur cœur, ils projetaient leur personnalité sur la Nature ; elle était pour eux sa lyre douloureuse accordée au son de leur chant intime. Ils cherchaient chez elle, un écho à leurs rêveries inquiètes, à leurs angoisses, à leurs troubles, à leurs joies et elle répondait à leurs vœux “.
Gustave Flaubert dans l’éducation sentimentale : ” Les vieux chênes … rugueux, énormes, qui se convulsent, s’étirent du sol, s’étreignent les uns les autres et, fermes sur leurs troncs pareils à des torses, se lancent avec leurs bras nus des appels de désespoirs, des menaces furibondes comme un groupe de Titans immobilisés dans leur colère. “
Théodore Rousseau est le plus romantique et le plus passionné de tous. Ce travailleur acharné de jour comme de nuit et par tous les temps, laissera derrière lui 1200 dessins et 325 huiles sur la forêt de Fontainebleau .Son biographe et ami Sensier nous décrit Théodore Rousseau, naturaliste, surnommé ” l’homme des chênes ” peignant un arbre : ” Sa volonté descriptive s’engageait alors dans ce labyrinthe inextricable des ramures des grands arbres ; il en suivait longuement les diverses projections, ne reculait pas devant ces mariages infinis de longues branches qui apparaissent et disparaissent en méandres désespérants. Il ne s’arrêtait enfin que lorsqu’il avait très nettement buriné ” l’état civil ” de son sujet, et après avoir dévoilé tout le système de vie, en même temps que la généalogie de son être. “
Théodore Rousseau, Sortie de forêt à Fontainebleau
Jean-François Millet, Les scieurs de long
Rousseau écrit : ” En observant avec toute la religion de son cœur, on finit par songer à la vie de l’immensité ; on ne copie pas ce qu’on voit avec la précision mathématique, mais on sent et on traduit un monde réel dont toutes les fatalités vous enlacent … “
Fidèle à ses convictions, quand une mauvaise exploitation mettra la forêt en danger, il prendra sa défense à la tête d’une association d’artistes. Enfin reconnu officiellement après la révolution de 1848, il utilisera cette situation pour obtenir de la part de Napoléon III en 1853, la création à Fontainebleau du premier site naturel protégé au monde, appelé ” réserve des peintres “.
Après sa mort en 1873, ses amis peintres (Millet, Daubigny, Corot …) poursuivront son œuvre en créant le ” comité de protection artistique “.
D’autres artistes, prendront le relais en fondant ” l’association des amis de la forêt de Fontainebleau ” dont le premier président sera le peintre Paul Tavernier.
Mais l’héritage que nous ont laissé ces peintres ne s’arrête pas là. Leurs tableaux sont la mémoire vivante de l’aspect de la forêt et de la vie que les hommes y menaient au 19ème siècle.
Les néoclassiques ou les romantiques nous permettent d’imaginer les paysages forestiers au 19ème siècle, très différents de ceux d’aujourd’hui. La présence de vaches, moutons, cochons nous surprend dans les scènes de forêt des peintres animaliers. A cette époque les paysans en dédommagement des dégâts occasionnés par la chasse, avaient le droit de nourrir leurs animaux en forêt (pacage), d’y ramasser des fougères pour leur litière et du bois mort pour se chauffer.
Charles-Emile Jacque, La bergère et ses moutons
Narcisse Diaz de la Peña, Les hauteurs du Jean de Paris
À la rencontre de l’ “École de Barbizon”
De nouvelles techniques, reprises plus tard par les impressionnistes seront expérimentées :
Théodore Rousseau remporte au Salon de 1850 un franc succès en présentant ses deux ” sorties de forêt ” représentant un même site éclairé par les luminosités différentes du matin et du soir. Ces deux tableaux annoncent les séries de ” meules ” de Monet.
Diaz perfectionnera la technique de fragmentation des couleurs en touches juxtaposées pour un effet plus lumineux.
Les jeunes Monet, Bazille, Sisley, Renoir viendront au début de leur carrière en forêt de Fontainebleau et y rencontreront les grands maitres de Barbizon déjà âgés. Ils en peindront quelques sites, essentiellement à ses abords puis ils ne la représenteront plus qu’en un arrière plan très flou. Enfin, ils l’abandonneront (la jugeant trop sombre) pour étudier les reflets de la lumière sur l’eau, et la société de leur époque, contrairement à leurs prédécesseurs qui avaient fuit la leur.
Ce terme a été utilisé bien après la disparition des peintres (décédés dans les années 1870) par Georges Lafenestre (peintre et critique d’art) vers 1907. Nos peintres eux n’ont jamais prétendu former une école. Ils n’avaient pour cela ni doctrines, ni règles, ni publications communes .Aucun d’entre eux ne se prétendait ” maitre ” des autres, même s’ils étaient reconnus comme tels par les plus jeunes qui les admiraient et cherchaient à s’en approcher. Leurs styles et techniques étaient très variés et ils n’étaient pas tous regroupés au même endroit mais répartis autour de la forêt. Leur ” école “, qu’ils nommaient avec humour ” l’Académie des beaux ar … bres ” était plutôt une école buissonnière! Ce sont au contraire cette grande liberté de création et les précieux échanges qu’ils ont eu au retour de leurs séances de travail sur le motif, qui contribuèrent à cette grande révolution artistique au 19ème siècle. En revanche, ils ont bien fait ” école “, attirant de nombreux peintres étrangers notamment à l’hôtel Siron (aujourd’hui hôtel du Bas Bréau) qui ont ensuite essaimé de par le monde.
Un lien culturel fort se créera avec le Japon. A cette époque, les peintres asiatiques se rapprochent, eux aussi de la Nature : T’ang I-fen (1778-1853), peintre chinois : ” Le rocher a pour ” conjoint ” l’arbre. Sans arbre, un rocher est privé d’abri ; sans rocher, un arbre, lui est privé d’appui. C’est pourquoi ces deux entités solitaires et complémentaires sont le plus souvent représentées ensemble. D’autant qu’elles constituent la base d’un paysage. Qui sait dessiner des arbres isolés et des rochers menus saura peindre une forêt de mille arbres et de rocs superposés d’une hauteur de dix mille mètres. Ainsi, tout peintre digne de ce nom aura souci de montrer l’intime échange entre arbre et rocher dans lequel l’un et l’autre se trouveront à l’aise tout en s’épaulant et se répondant. “
Dans quelle forêt d’île de France, autre que Fontainebleau, peut on le mieux ressentir cette symbiose entre le minéral et le végétal ? Nos peintres y étaient sans doute sensibles à en juger par leurs tableaux.
Mais laissons les derniers mots de cette belle histoire à Francis Carco (poète, écrivain et ami des peintres) : ” Ce que nous avons tous dans ce hameau paisible ,abrité du vent et du bruit, si proche et si lointain à la fois de Paris, c’est vingt ans…, c’est le plaisir de vivre, de découvrir une biche au détour d’un sentier, un oiseau inconnu,… une roche à forme de monstre, un arbre abattu la veille, des écureuils, des fruits sauvages ou quelque fois dans une clairière, un grave conseil d’administration tenu par des lapins. . . Et comme nous avons tous été poètes, c’est-à-dire émotifs et crédules, le cadre de Barbizon nous rendit à nous-mêmes. “
L’Association des Amis de la Forêt de Fontainebleau vous propose d’emprunter les sentiers des peintres et de les redécouvrir à travers leurs tableaux lors de deux promenades annoncées dans son programme semestriel.