Protéger et faire connaître la forêt de Fontainebleau
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Fonds documentaire

La vénerie en forêt de Fontainebleau

Vénerie

1. Vénerie d’aujourd’hui

Faute d’opinion personnelle, la société moderne a pris l’habitude de recourir au sondage… Mais nul besoin de sondage pour imaginer la réponse à la question suivante : croyez-vous qu’on chasse encore à courre aujourd’hui en Forêt de Fontainebleau ? Pour peu que la popu­lation sondée exclue les habitués de la forêt et se limite aux automobilistes pressés, prenant la N7 pour une autoroute, et aux promeneurs du dimanche après-midi, cantonnant leur exploration forestière aux allées empierrées, le résultat sera quasi unanime… Comment penser qu’il y ait encore place de nos jours dans une forêt aussi fréquentée par le genre humain, à pied ou en voiture, pour de grands ani­maux, nécessairement associés au mystère, au calme, au silence d’une forêt difficile d’accès et quasi inviolée ? Et comment croire, qu’un mode de chasse aussi immuable et obsolète que la chasse à courre, en opposition totale à l’évolution du temps et des mœurs, lié dans l’imaginaire collectif au cliché du châtelain, chassant sur ses terres dans la France profonde, puisse encore perdurer dans un massif périurbain comme Fontainebleau ? Et pourtant…

Extrait de la Voix de la Forêt du centenaire 2007 – Jacques SANDERS, Maître d’équipage au Rallye Fontainebleau.

2. S’adapter à son environnement.

« Tout changer pour que rien ne change ».

Cette phrase mise dans la bouche du Prince Lampedusa dans Le Guépard de Visconti, pourrait bien s’appliquer à la vénerie moderne. Pour pouvoir conserver l’essentiel, c’est-à-dire le principe de la chasse aux chiens courants, la vénerie a su s’adapter à la mutation de son environnement. Après chacune des périodes troublées de notre histoire, la vénerie à Fontainebleau avait pu repartir presque “comme avant” mais la deuxième moitié du XXe siècle allait la faire se heurter à un contexte autrement plus hostile.

Hostilité de l’environnement sociologique d’abord ; de nombreux nouveaux propriétaires, souvent de maisons de week-end, ne tolérant pas que leur repos hebdoma­daire puisse être troublé par l’intrusion dans leur jardin d’un cerf aux abois avec quarante chiens à ses trousses.
Opposition de l’environnement médiatique ensuite ; la presse locale se faisant l’écho des plaintes suscitées par ces quelques très rares incidents ayant créé dans l’opi­nion un climat d’intolérance vis-à-vis de la vénerie.

Dégradation de l’environnement naturel enfin, avec la percée de l’autoroute du Sud, coupant la Forêt de Fontainebleau du massif des Trois Pignons, avec la mise à quatre voies de la N7, rendue infranchissable aux animaux par un muret de séparation centrale. L’accroissement continu du trafic routier traversant la forêt venant considérablement troubler la quiétude et la libre circulation des grands animaux, nécessairement mobiles par la quête permanente d’une nourriture de plus en plus rare. De même, le développe­ment de la fréquentation touristique constitue une gêne supplémentaire pour la population animale.

Devant tant d’obstacles, beaucoup auraient renoncé, et certains en effet renoncèrent. Mais heureusement, à chaque crise, il s’est trouvé une poignée de veneurs résolus, appuyés par les responsables régionaux de l’ONF, comme Gérard Tendron ou Yves Richer de Forges, et par les élus locaux, au premier rang desquels il faut citer le regretté Paul Séramy, pour relever le défi et maintenir coûte que coûte la vénerie en Fontainebleau. C’est ainsi qu’en 1978 Pierre Rayer, avec le soutien d’Edouard Fougea, eut le cran de relancer un équipage qui pour mieux marquer son étroite implication dans son territoire de chasse prit le simple nom de “Rallye Fontainebleau”. Relayé en 2005 par Charles Fougea, petit-fils du précédent, et Philippe Dupuy, c’est par le respect d’une stricte éthique et en exer­çant une vigilance de tous les instants que cet équipage a pu perdurer et envisager l’avenir aujourd’hui plus sereinement que ce n’était le cas en 1978.

En effet, c’est en s’imposant des contraintes spécifiques à son territoire, sans parler bien sûr de celles définies au niveau national par la Société de Vénerie, que le “Rallye Fontainebleau” a pu être accepté et s’inscrire dans la conti­nuité historique — mille ans de vénerie en Fontainebleau ont été fêtés en 2002 – de la forêt.

Ces contraintes, à quel niveau s’exercent-elles ? Au niveau du mode de chasse d’abord : la vénerie dans une forêt domaniale, à soixante kilomètres de Paris, ouverte à des millions de visiteurs se doit d’être discrète et respec­tueuse de la tranquillité du plus grand nombre. C’est pour cette raison que la chasse à courre en Fontainebleau ne commence pas avant la mi-octobre, un mois après la date légale autorisée, et s’arrête à la fin Février, un mois avant la clôture générale de la saison. De même, on ne chasse pas les jours fériés et en semaine, le jour de chasse est fixé au mardi pour laisser la forêt le mercredi aux jeunes prome­neurs. C’est toujours dans un souci de discrétion qu’il est demandé aux veneurs de l’équipage de ne pas sortir de leur territoire, la forêt, et s’interdire impérativement la moindre intrusion dans les zones habitées, comme il leur est conseillé d’éviter de “stationner” le long des routes à grande circulation afin de ne provoquer aucun incident.

Mais il n’est pas suffisant d’imposer des contraintes aux “Boutons”, hommes et femmes, de l’Equipage ; il faut aussi en imposer aux chiens. Ne pouvant compter sur leur sens civique pour qu’ils calquent leur conduite sur celle de leurs maîtres, il est impératif de pouvoir compter sur leur obéissance. C’est donc dans cette optique primordiale que se déroule le dressage des chiens. Il est fondamental que tant le maître d’équipage que le piqueux soient en mesure d’arrêter les chiens dès que se dessine la potentia­lité d’un incident : bordures de routes nationales, proximité de la ville de Fontainebleau ou villages alentour. Si les chiens doivent être en permanence “contrôlables”, il faut aussi qu’ils aient l’esprit d’équipe, c’est-à-dire qu’ils sachent rester groupés, “chasser en meute”, afin d’éviter que des échappés solitaires ou des traînards égarés fassent courir le risque d’un accident en traversant une route sans encadrement. Mais bien sûr, le seul acteur de ce théâtre qu’il ne sera jamais possible de contrôler, c’est le Cerf, qui, surtout si son grand âge et son expérience de la chasse lui soufflent cette stratégie, aura régulièrement l’idée de trouver refuge “en ville”, ce qui lui vaudra d’être gracié.

3. Chasse d’hier et d’aujourd’hui.

La technique du courre consistant à forcer un gibier avec des chiens est connue depuis plus de deux millénaires et, à la lecture des anciens traités de chasse, on est frappé de voir que bien peu de choses ont varié dans les méthodes employées. C’est que la vénerie s’ordonne autour du chien, dont les aptitudes naturelles n’ont pas changé, et des animaux chassés dont les défenses n’ont pas davantage évolué. Parce qu’elle repose sur des animaux au comporte­ment instinctif et que l’intervention de l’homme se limite à aider et encadrer les chiens, sans jamais pouvoir chasser à leur place, la vénerie d’aujourd’hui ne peut différer fondamentalement de celle d’hier. En outre, en ce qui concerne Fontainebleau, la relecture des récits de chasse d’hier. du XVIIIe comme du XIXe siècles, nous montre que le parcours des animaux chassés était déjà le même que de nos jours… Magnétisme tellurique, enseignement des anciens… ? La raison nous échappe, pauvres humains dépourvus de sixième sens mais il nous faut la constater et seules les barrières modernes que peuvent être des engrillagements, des coupes rases et surtout un flot automobile permanent, sont capables de modifier le parcours immuable des animaux. C’est aussi parce qu’elle respecte un ordre naturel et éternel de relation entre les espèces que la vénerie tient à entretenir un ensemble de traditions qui font aujourd’hui partie de notre patrimoine national, à commencer par son langage qui ne sacrifie en rien au modernisme ambiant.

Chaque mardi et chaque samedi de la saison, le déroule­ment d’une chasse à Fontainebleau, en dehors de l’incertitude sur le résultat de la journée, se conformera au même scénario intemporel, pièce classique enchaînant à chaque fois la même succession de phases. Du petit jour où des “valets de limier” feront le bois, pour pouvoir faire leur rapport au maître d’équipage et à l’ensemble des veneurs et suiveurs réunis au rendez-vous, au lancer de l’animal par les chiens qui, s’ils parviennent à surmonter toutes les ruses du cerf, finiront peut-être par le tenir aux abois. Les chiens trouvant alors leur récompense, et leur motivation pour rechasser encore, dans la curée, appuyée et ponctuée par les trompes, tandis que les hommes, eux, se réconforteront et referont la chasse autour d’un autre cérémonial, plus décontracté mais tout aussi traditionnel, celui du pique-nique en forêt.

4. Le Rallye Fontainebleau en 2006 – 2007

Un équipage de chasse à courre a toujours reposé sur trois piliers, à savoir : un territoire, des hommes (avec ou sans chevaux) et des chiens.

Avec Charles Fougea, jeune quadragénaire, comme nouveau maître d’équipage, prenant le relais en 2005-2006 de Pierre Rayer, après ses 28 saisons de sacerdoce pour que se maintienne la vénerie en Fontainebleau, et Philippe Dupuy en tant que président de l’association, succédant à Hubert Ghigonis, le Rallye Fontainebleau a pris un nouveau départ fondé sur le rajeunissement et le renouvellement de ses membres, gage d’avenir indispen­sable à toute organisation. C’est ainsi qu’à côté de doyens ayant dépassé les 80 printemps mais toujours actifs, comme Elisabeth Kneppert, Jeanine Pineau ou Philippe Imbault, on trouve aujourd’hui à l’équipage des moins de vingt ans, l’ensemble transcendant les clivages habituels de classe d’âge pour former une seule équipe soudée par la même passion. Au total, l’équipage compte donc plus de soixante-dix membres, se répartissant entre “boutons”, “gilets”, “amis cavaliers” et “amis”, enracinés dans le terroir Sud-Seine-et-Marnais ou parisiens amoureux de la forêt.

Au chenil, les chiens sont servis par un nouveau piqueux. Après avoir assuré l’élevage et la conduite de la meute à la chasse pendant trente-six saisons d’affilée, Guy Rainfray a pu prendre une retraite bien méritée, sans couper le lien affectif l’unissant à la forêt et à son équipage. Dorénavant, c’est un autre passionné, Piqu’hardi, piqueux la semaine et maître d’équipage au lièvre le dimanche, qui lui succède dans la continuité, avec l’aide d’Alain Chartier comme valet de chiens. A la chasse et pour faire le bois, une nouvelle équipe menée par Eric Allimonier s’est constituée pour coordonner l’aide des nombreux suiveurs, fidèles habitués des laisser courre de l’équipage.

Composée d’Anglo-français tricolores et de Poitevins, combinant les qualités de ténacité des uns avec la finesse de nez et la puissance de gorge des autres, la meute avoisine, avec l’élevage, une centaine de chiens, hébergés depuis 1964 à la maison forestière de La Garenne Gros Bois, en lisière sud du massif.
Si ce ne sont pas les hommes mais bien les chiens qui chas­sent, ce sont en revanche les hommes qui font les chiens ; d’où l’importance de la sélection, du choix des croise­ments, du dressage et de l’entraînement. Débutée à dix huit mois au plus tôt, la carrière d’un chien de chasse est brève puisqu’elle se termine au plus tard à sept ans.

Sortis régulièrement, à pied ou à cheval, en dehors des chasses, les chiens doivent à la fois être entraînés pour acquérir le fond nécessaire à leur statut d’athlète de haut niveau, capable de parcourir des dizaines de kilomètres à chaque chasse, mais aussi être travaillés dans l’optique d’une obéissance totale, au piqueux comme au maître d’équipage. C’est toujours dans ce même souci de maîtrise et de contrôle de la meute que l’équipage préfère ne découpler qu’une quarantaine de chiens par chasse.

Enfin, il n’en est meilleure preuve, et indication de la préservation d’un espace sauvage naturel caractérisé par l’abondance des animaux, que l’arrivée d’un deuxième équipage en forêt. Depuis les adjudications de 2003, le Rallye Tempête a pu acquérir lui aussi droit de cité ou plutôt de chasse dans notre massif pour le courre du chevreuil. Même si la vénerie de cet animal avait déjà été pratiquée à Fontainebleau par des équipages invités, c’est la première fois que le chevreuil fait l’objet d’un bail formel et spécifique.

C’est ainsi qu’aujourd’hui deux chasses peuvent se dérouler simultanément dans deux secteurs différents de la forêt, les routes formant hélas une cloison quasi étanche évitant que les meutes puissent se croiser. En s’appuyant sur une telle activité de chasse à courre dans le massif, le Rallye Tempête a pu d’autant mieux justifier, avec le dynamisme et l’enthousiasme communicatifs de ses maîtres, Marie-Hélène et Pierre-François Prioux, de l’or­ganisation d’une Fête annuelle de la Vénerie au Grand Parquet, devenue en très peu de temps le rendez-vous incontournable des veneurs d’Ile-de-France et le symbole le plus éclatant et médiatique de la présence de la vénerie en Fontainebleau.

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